Jamais auparavant, les notaires n’avaient eu autant de transactions immobilières à traiter qu’au cours du premier trimestre de 2016. Et la confiance dans le marché du logement est de mise pour les experts du panel de L’Écho. Rien n’indique toutefois que les prix des habitations vont crever le plafond ces prochaines années.
L’indice de l’activité immobilière, élément du baromètre des notaires, atteint 127,0 pour le premier trimestre de 2016. Cela représente une augmentation de 9,4% par rapport au quatrième trimestre de 2015. La forte hausse des volumes se constate aussi bien en Wallonie (+ 7,1%) qu’en Flandre (+ 9,7%) et à Bruxelles (+ 16,1%). "Nous n’avons jamais assisté à un tel emballement depuis le lancement de notre baromètre, en 2007. Le nombre de dossiers a augmenté de 10% par rapport au dernier trimestre de 2014. Or, à cette époque, il avait été artificiellement boosté en Flandre par l’anticipation de l’instauration d’un régime fiscal moins favorable du bonus logement", constate le notaire Bart van Opstal. La Flandre prend 63% des transactions à son compte. La part de la Wallonie et de Bruxelles est respectivement de 29% et de 8%. Cette activité inhabituellement élevée ne va pas de pair, pour le moment, avec une explosion des prix.
Le prix moyen d’un appartement en Belgique n’a en effet augmenté que de 1,1% (à 206.399 euros) au premier trimestre 2016, par rapport au trimestre précédent. En comparaison avec le même trimestre un an auparavant, la hausse atteint 1,2%. Cette année-là, le prix des appartements avait progressé de 0,9% en Flandre (209.784 euros), 5,8% en Wallonie (161.161 euros) et 1,9% à Bruxelles (à 228.365 euros).
S’agit-il de prix records? Non. En Belgique, c’est le troisième trimestre de 2015 qui détient la palme, avec 207.793 euros. Sachant que l’inflation s’est élevée à 1,8% au cours du premier trimestre, on ne peut pas parler de forte hausse des prix sur le marché — pourtant florissant — des appartements. Quant à la hausse en Wallonie, elle doit être relativisée dans la mesure où il s’agit d’un marché étroit dans ce segment et la Région est de loin la meilleure marché.
En ce qui concerne les maisons et villas, les notaires constatent même des diminutions de prix au premier trimestre de 2016. Le prix moyen s’est en effet inscrit à 230.103 euros en Belgique, soit en retrait de 2% par rapport à la moyenne de 2015. Et en comparaison avec le premier trimestre de 2015, le prix des maisons a cédé 1%.
Sur cette période, en Flandre, le recul est faible (-0,1%, 253.925 euros). En Wallonie, il est de 0,8% (171.640 euros). Par contre, dans la Région de Bruxelles-Capitale, le prix des maisons a augmenté de 1,8% par rapport à la période correspondante de 2015, à 446.703 euros. Mais en dépit de cette progression, les prix dans les 19 communes bruxelloises n’ont pas retrouvé le niveau record du troisième trimestre de 2015 (449.958 euros). Et ils restent aussi en deçà de ce qu’ils étaient au dernier trimestre 2015.
Une légère hausse est attendue
L’Écho a interrogé un panel de 17 experts immobiliers sur leurs attentes pour l’ensemble de 2016, et sur les cinq années à venir. Le tour de table a été réalisé durant la deuxième quinzaine de mars. Les experts s’attendent à une légère hausse sur l’ensemble de 2016, tant en volumes (+ 2%) qu’en prix (+ 1% pour les maisons et les villas, + 0,8% pour les appartements et + 1,6% pour les terrains à bâtir). Les prévisions sont assez similaires pour les trois Régions.
Les attentes du panel pour 2016 sont un peu plus élevées que celles d’un an auparavant (-0,1% pour les maisons, + 0,7% pour les appartements). Elles sont aussi meilleures que les chiffres publiés par les notaires pour 2015 (+ 0,1% pour les maisons, + 1,9% pour les appartements).
2016 constituera en outre une année test importante pour l’indexation de l’immobilier. Car si l’inflation est restée limitée à 0,2% en 2015, pour cette année, on part d’une inflation de 1,5%, soit le niveau le plus élevé depuis 2012 (+ 2,8%).
Clé sur porte ou rénovation?
Les experts partent de l’hypothèse que les habitations "clé sur porte" suivront l’inflation en 2016, avec des hausses de prix de 1,6% pour les villas et maisons et de 1,7% pour les appartements, sur l’ensemble du pays. Pour les habitations nécessitant de lourdes rénovations, des baisses de prix sont par contre attendues: -1,6% pour les maisons et -1,4% pour les appartements en Belgique. Cette tendance vaut pour les trois Régions.
"De plus en plus de gens cherchent du ‘clé sur porte’. Cela vaut pour les seniors en bonne santé qui quittent leur maison trop grande pour un appartement, mais aussi pour les jeunes qui préfèrent acheter un nid plus petit mais qui peut être occupé directement", constate Isabelle Vermeir, de Century21.
Le risque d’une correction des prix n’augmente pas en 2016, estime le panel. Il y a deux ans, 27% des experts tablaient sur une baisse des prix de 5% sur l’année en cours. Cette année, ils ne sont plus que 12%. "L’immobilier belge est correctement évalué aujourd’hui", selon Johan van Gompel, de KBC.
Mais les spécialistes ne tablent pas non plus sur une montée de prix spectaculaire. Ils pronostiquent + 1,2% pour les maisons, + 1,5% pour les appartements et + 2% pour les terrains à bâtir, sur base annuelle.
Cela devrait suffire à maintenir l’indexation de l’immobilier dans les cinq années à venir. 56% des membres du panel estiment que les prix devraient monter au moins aussi vite que l’inflation. Et ils ne sont que 15% à craindre que les prix diminuent en valeur nominale sur la même période.
Pour les experts, c’est le niveau inhabituellement faible des taux d’intérêt qui est de loin la principale raison de la bonne tenue du marché du logement. "Les taux d’intérêt très faibles sont le meilleur soutien du marché du logement", souligne Eric Verlinden, de Trevi. Sur la liste des facteurs de soutien du marché, la faiblesse du rendement des formes de placement alternatives (livret d’épargne, obligations, etc.) arrive en deuxième position. "Nous voyons toujours plus d’acheteurs intéressés par un achat en vue de la location", ajoute Iain Cook, d’ERA. Viennent ensuite "la demande qui excède l’offre" et "le traitement fiscal favorable".
"Le nombre de ménages croît plus vite que le nombre de permis de bâtir accordés. Il n’y a pas d’excédent d’offre en Belgique. Au contraire", estime Frank Maet, de Belfius.
L’an dernier, le bonus logement a été rendu moins attractif en Flandre. De son côté, la Wallonie est passée cette année au chèque habitat, moins attrayant. À Bruxelles, la fiscalité immobilière ne sera modifiée qu’en 2017. Mais, si l’on en croit les experts, l’impact négatif des mesures fiscales qui ont été introduites ou qui sont annoncées est resté très limité sur le marché belge du logement.
Menaces potentielles
On ne s’attend pas à un important redressement des taux d’intérêt dans les deux années à venir. "Une forte poussée des taux est l’élément qui serait le plus susceptible de modifier les règles du jeu dans les prochaines années", observe Bart van Craeynest, d’Econopolis. "L’impact du bonus logement moins favorable a été neutralisé par la faiblesse des taux d’intérêt. Si celle-ci disparaît, le bonus logement n’offrira plus le même contrepoids modérateur qu’auparavant", prévient Julien Manceaux, d’ING.
Un moins bon climat économique, avec une confiance des consommateurs en déclin, un réveil du chômage et un pouvoir d’achat écorné feraient également des dégâts. "Se loger à un prix abordable en cas de retournement de conjoncture pourrait devenir inaccessible pour beaucoup de gens", signale Philippe Janssens, de Stadim.
Aujourd’hui, la plupart des alternatives d’investissement ne sont pas intéressantes. Mais il n’en sera pas forcément toujours ainsi. L’immobilier doit rester attractif en lui-même. "La situation et le flux de revenus locatifs doivent rester attrayants à long terme", observe Pol Tansens, de BNP Paribas Fortis Wealth Management. La hausse des loyers reste encore relativement limitée dans de nombreux endroits du pays.
De nombreux experts pointent également le durcissement des conditions d’accès au crédit. "Cela continue à freiner le marché et l’accessibilité au logement. Une fois que les faibles taux d’intérêt auront disparu, cette politique du crédit se fera durement ressentir", selon Filip Dewaele, du Groupe Dewaele.
Enfin, la fiscalité. Quasi tous les experts partent du principe que l’immobilier de logement sera plus lourdement taxé à l’avenir. "Un impôt sur les loyers ferait mal", déclare Sven Potvin, de Quares. "L’impact psychologique d’une fiscalité plus lourde ne peut pas être sous-estimé dans une période où l’immobilier constitue une alternative importante pour l’investisseur", ajoute Luc Machon, de l’IPI.
Impact des attentats?
La plupart des experts avaient établi leurs prévisions avant les attentats du 22 mars. Mais ceux qui les ont faites plus tard y font référence. Ainsi, pour Sophie Lambrechts de Home Invest Belgium, "la présence d’institutions internationales a été jusqu’ici l’un des grands atouts de Bruxelles. Une instabilité politique permanente et un départ de ces institutions constitueraient une menace pour notre marché du logement." Et Johan Albrecht, de l’Itinera Institute, d’ajouter: "Un statut chancelant de Bruxelles en tant que ville sûre pour les institutions internationales est le principal facteur de risque pour le marché du logement en Belgique à l’avenir."
Gand, qui trônait encore en cinquième place l’an dernier, est la ville favorite des experts pour l’investissement en logement en 2016. Bruxelles, Anvers, Louvain et Malines complètent le top cinq.
La ville n’est pas la seule à faire la différence. Il faut aussi tenir compte des quartiers, soulignent les experts. "Indépendamment de la taille de l’habitation convoitée et du revenu dont on dispose, les gens accordent en premier lieu de l’importance au rayonnement global d’un quartier", assure Hans Bevers, de Petercam. Et quasi tous les experts acquiescent.
Source: MonArgent
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